Pris de convulsions
au cours de la quatrième représentation du Malade imaginaire, Molière expire
quelques heures plus tard d’une congestion pulmonaire, le 17 février 1673, chez
lui et non pas en jouant cette pièce - comme le veut la tradition -, sans
avoir abjuré la profession de comédien, considérée comme immorale par l’Église.
Dans le registre
qu’il tient scrupuleusement, La Grange écrit ce jour :
« Ce mesme
jour après la Comédie sur les 10 heures du soir Monsieur de Molière mourust
dans sa maison Rue de Richelieu, ayant joué le rosle dudit malade imaginaire
fort incommodé d’un rhume de fluction sur la poitrine qui luy causoit une
grande toux de sorte que dans les grans efforts qu’il fist pour cracher il se
rompit une veyne dans le corps et ne vescut pas demye heure ou trois quarts
d’heure depuis ladite veyne rompue. Son corps est enterré à St Joseph, ayde de
la parroisse St Eustache. Il y a une tombe eslevée d’un pied hors de
terre ».
Trente-deux ans
plus tard, Grimarest, le premier biographe de Molière, détaille les
circonstances de sa mort, sans y avoir toutefois assisté (il avait 15 ans lors
du décès de Molière) :
« Les
Comédiens tinrent les lustres allumez[5], et la toile levée, précisément à
quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté ; et la
moitié des spectateurs s’aperçurent qu’en prononçant Juro, dans la cérémonie du
Malade Imaginaire, il lui prit une convulsion. Aïant remarqué lui-même que l’on
s’en étoit aperçu, il se fit un effort, et cacha par un ris forcé ce qui venoit
de lui arriver. Quand la pièce fut finie il prit sa robe de chambre, et fut
dans la loge de Baron, et lui demanda ce que l’on disoit de sa pièce. Mr Baron
lui répondit que ses ouvrages avoient toujours une heureuse réussite à les
examiner de près, et que plus on les représentoit, plus on les goûtoit. “Mais”,
ajouta-t-il, “vous me paroissez plus mal que tantôt”. “Cela est vrai”, lui
répondit Molière, “j’ai un froid qui me tue”. Baron après lui avoir touché les
mains, qu’il trouva glacées, les lui mit dans son manchon, pour les
réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement
chez lui ; et il ne quitta point sa chaise, de peur qu’il ne lui arrivât
quelque accident du Palais Royal dans la rue de Richelieu, où il logeoit [...].
Un instant après il lui prit une toux extrémement forte, et après avoir craché
il demanda de la lumière. Baron aïant vu le sang qu’il venoit de rendre,
s’écria avec frayeur. “Ne vous épouvantez point”, lui dit Molière, “vous m’en
avez vu rendre bien davantage. Cependant”, ajouta-t-il, “allez dire à ma femme
qu’elle monte”. Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui
viennent ordinairement à Paris quêter pendant le Carême, et auxquelles il
donnoit l’hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout
le secours édifiant que l’on pouvoit attendre de leur charité, et il fit
paroître tous les sentimens d’un bon Chrétien, et toute la résignation qu’il
devoit à la volonté du Seigneur. Enfin il rendit l’esprit entre les bras de ces
deux bonnes sœurs ; le sang qui sortoit par sa bouche en abondance
l’étouffa. Ainsi quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort.
J’ai cru que je devois entrer dans le détail de la mort de Molière, pour
désabuser le public de plusieurs histoires que l’on a faites à cette occasion.
« Aussi-tôt
que Molière fut mort, Baron fut à Saint Germain en informer le Roi ; Sa
Majesté en fut touchée, et daigna le témoigner [...]. Tout le monde sait les
difficultez que l’on eut à faire enterrer Molière, comme un Chrétien
Catholique ; et comment on obtint en considération de son mérite et de la
droiture de ses sentimens, dont on fit des informations, qu’il fût inhumé à
Saint Joseph. Le jour qu’on le porta en terre il s’amassa une foule incroyable
de peuple devant sa porte [...]. Le convoi se fit tranquillement à la clarté de
près de cent flambeaux, le mardi vingt un de février ».
En 1817, sa
dépouille a été transférée au cimetière du Père-Lachaise en même temps que
celle de La Fontaine.
La Grange et
Armande, chassés du Palais-Royal par Lully qui y installe l’Académie royale de
musique, transportent leur troupe rue Guénégaud où elle fusionne avec celle du
Marais. En 1680, sur décret du roi, elle doit fusionner avec la troupe de
l’Hôtel de Bourgogne : c’est la naissance de la future Comédie-Française.
Fauteuil utilisé par Molière lors de sa dernière représentation et dans lequel il serait mort exposé à la salle Richelieu de laComédie-Française |
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