lundi 24 mars 2014

La mort de Molière



Pris de convulsions au cours de la quatrième représentation du Malade imaginaire, Molière expire quelques heures plus tard d’une congestion pulmonaire, le 17 février 1673, chez lui et non pas en jouant cette pièce - comme le veut la tradition -, sans avoir abjuré la profession de comédien, considérée comme immorale par l’Église.
Dans le registre qu’il tient scrupuleusement, La Grange écrit ce jour :
« Ce mesme jour après la Comédie sur les 10 heures du soir Monsieur de Molière mourust dans sa maison Rue de Richelieu, ayant joué le rosle dudit malade imaginaire fort incommodé d’un rhume de fluction sur la poitrine qui luy causoit une grande toux de sorte que dans les grans efforts qu’il fist pour cracher il se rompit une veyne dans le corps et ne vescut pas demye heure ou trois quarts d’heure depuis ladite veyne rompue. Son corps est enterré à St Joseph, ayde de la parroisse St Eustache. Il y a une tombe eslevée d’un pied hors de terre ».
Trente-deux ans plus tard, Grimarest, le premier biographe de Molière, détaille les circonstances de sa mort, sans y avoir toutefois assisté (il avait 15 ans lors du décès de Molière) :
« Les Comédiens tinrent les lustres allumez[5], et la toile levée, précisément à quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté ; et la moitié des spectateurs s’aperçurent qu’en prononçant Juro, dans la cérémonie du Malade Imaginaire, il lui prit une convulsion. Aïant remarqué lui-même que l’on s’en étoit aperçu, il se fit un effort, et cacha par un ris forcé ce qui venoit de lui arriver. Quand la pièce fut finie il prit sa robe de chambre, et fut dans la loge de Baron, et lui demanda ce que l’on disoit de sa pièce. Mr Baron lui répondit que ses ouvrages avoient toujours une heureuse réussite à les examiner de près, et que plus on les représentoit, plus on les goûtoit. “Mais”, ajouta-t-il, “vous me paroissez plus mal que tantôt”. “Cela est vrai”, lui répondit Molière, “j’ai un froid qui me tue”. Baron après lui avoir touché les mains, qu’il trouva glacées, les lui mit dans son manchon, pour les réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui ; et il ne quitta point sa chaise, de peur qu’il ne lui arrivât quelque accident du Palais Royal dans la rue de Richelieu, où il logeoit [...]. Un instant après il lui prit une toux extrémement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. Baron aïant vu le sang qu’il venoit de rendre, s’écria avec frayeur. “Ne vous épouvantez point”, lui dit Molière, “vous m’en avez vu rendre bien davantage. Cependant”, ajouta-t-il, “allez dire à ma femme qu’elle monte”. Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le Carême, et auxquelles il donnoit l’hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvoit attendre de leur charité, et il fit paroître tous les sentimens d’un bon Chrétien, et toute la résignation qu’il devoit à la volonté du Seigneur. Enfin il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortoit par sa bouche en abondance l’étouffa. Ainsi quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. J’ai cru que je devois entrer dans le détail de la mort de Molière, pour désabuser le public de plusieurs histoires que l’on a faites à cette occasion.
« Aussi-tôt que Molière fut mort, Baron fut à Saint Germain en informer le Roi ; Sa Majesté en fut touchée, et daigna le témoigner [...]. Tout le monde sait les difficultez que l’on eut à faire enterrer Molière, comme un Chrétien Catholique ; et comment on obtint en considération de son mérite et de la droiture de ses sentimens, dont on fit des informations, qu’il fût inhumé à Saint Joseph. Le jour qu’on le porta en terre il s’amassa une foule incroyable de peuple devant sa porte [...]. Le convoi se fit tranquillement à la clarté de près de cent flambeaux, le mardi vingt un de février ».

En 1817, sa dépouille a été transférée au cimetière du Père-Lachaise en même temps que celle de La Fontaine.

La Grange et Armande, chassés du Palais-Royal par Lully qui y installe l’Académie royale de musique, transportent leur troupe rue Guénégaud où elle fusionne avec celle du Marais. En 1680, sur décret du roi, elle doit fusionner avec la troupe de l’Hôtel de Bourgogne : c’est la naissance de la future Comédie-Française.

File:Paris - fauteuil de Molière à la Comédie française - 2.jpg
Fauteuil utilisé par Molière lors de sa dernière représentation et dans lequel il serait mort exposé à la salle Richelieu de laComédie-Française














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