lundi 31 mars 2014

L´Économie du XVIIème siècle



La politique économique de Louis XIV est simple : le roi dépense à la guerre tout l’argent que Mazarin puis Colbert s’évertuent à faire rentrer dans les caisses de l’état. Sous Mazarin, cette pression fiscale est à l’origine de nombreuses rébellions aussi bien au niveau de l’aristocratie (la Fronde) que du peuple (les jacqueries) :
* la révolte des sabotiers de Sologne (de avril à août 1658).
* la révolte du Boulonnais en mai 1662 (aussi appelée « révolte des Lustucrus »).
Après Mazarin, Colbert a lui aussi multiplié les initiatives économiques :
il invente sa propre version du mercantilisme qu’on appelle ensuite le colbertisme. Son concept se résume en quelques mots : augmenter les exportations et réduire les importations.
il crée les manufactures qui peuvent être d’État (tapisseries de Beauvais, des Gobelins) ou privées (Saint-Gobain). Pour faire rentrer des devises, Colbert favorise l’exportation par des aides d’État et limite les importations en instaurant un protectionnisme fort. Il incite les meilleurs artisans d’Europe à venir travailler en France pour disposer des produits de la meilleure qualité possible et donc plus faciles à vendre.
pour faciliter le commerce, il améliore les infrastructures en créant des routes. Avec l’aide de son fils, Jean-Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay, il développe la marine marchande pour vendre les produits et la "marine royale" (militaire) pour protéger les convois.
Il favorise le développement des colonies et la création des compagnies commerciales : Compagnie des Indes Orientales (Océan indien), Compagnie des Indes Occidentales (Amériques), Compagnie du Levant (Méditerranée et Empire ottoman) et Compagnie du Sénégal (Afrique) pour promouvoir le commerce triangulaire des esclaves.


vendredi 28 mars 2014

L'entourage politique du XVIIème siècle


Mazarin et le conseil de régence
Lors de la mort de Louis XIII, son fils, le futur Louis XIV, n'a pas encore 5 ans.
Anne d'Autriche, épouse du défunt et mère du Dauphin, profite de cette situation pour la tirer à son avantage et obtenir le pouvoir.
Louis, qui n'est pas encore Louis XIV, ne peut gouverner. Ainsi, sa mère assurera le conseil de régence. Elle appelle le cardinal Mazarin, ancien disciple de Richelieu, à ses côtés pour l'épauler, en le nommant à la tête du gouvernement.
Sa grande expérience des affaires de l'Europe, son habileté de diplomate, sa position exceptionnelle de parrain du jeune roi (donné par le roi avant sa mort), son appartenance au Sacré Collège qui élit le pape lui assurent le prestige et le respect indispensable à sa nouvelle fonction.

La Fronde
C'est une période de troubles graves qui touchent le Royaume de France entre 1648 et 1653 pour des raisons politiques.  Cette période de révolte marque une brutale réaction face à la montée de l’autorité monarchique en France. Le pouvoir royal est affaibli par l'organisation d'une période de régence, par une situation financière et fiscale difficile due aux prélèvement nécessaires pour alimenter la Guerre de Trente ans. Le peuple, sur fond de crise économique se soulève contre son gouvernement, allant jusqu'à chasser la famille royale de Paris. Cette période marquera profondément le jeune Louis, et motivera plus tard son souhait d'établir sa cour en dehors de Paris, à Versailles.

Le Roi Soleil et l'Absolutisme
À la mort du cardinal, en 1661, Louis XIV décide de gouverner par lui-même, ce qui est « révolutionnaire » dans l'Europe d'alors, où ministres et favoris gouvernent au nom des rois.
   De 1661 à 1715, cette volonté de gouverner par lui-même ne se relâchera pas un seul instant. Louis XIV exercera ce qu'il appelle le « métier de roi » et créa l'Absolutisme. Il est considéré comme le plus grand souverain de l'Histoire française et européenne.
Bouleversé par la Fronde, Louis décida de déplacer le pouvoir royal de Paris à Versailles, s'isolant de cette manière de ce peuple qui l'effraie sans toutefois perdre son contrôle sur lui.
Le monarque reste néanmoins entouré de sa cour, composée de nombreux nobles, ministres et maîtresses. Dans cette cour existera beaucoup de flatteurs tentant de profiter du roi en le comblant de flagorneries, ce que dénoncera Molière ainsi que d'autres écrivains tels que La Fontaine dans de nombreuses oeuvres.
Très cultivé, Louis XIV appréciait beaucoup les comédies de Molière et sa troupe qu'il nomma d'ailleurs «Troupe du Roy».


jeudi 27 mars 2014

La situation de l'Église au temps de Molière


L'Église catholique du temps de Molière avait une grande responsabilité car elle avait un certain pouvoir. Comme le roi était de droit divin, l'Église avait un pouvoir moral sur le souverain et sur la société. Le roi règne en vertu du droit divin. Ce règne vient de Dieu. L'état était donc régi par deux pouvoirs : celui du roi et celui de l'Église. Il n'y avait pas que les évêques qui avaient un pouvoir. Certains clans faisaient aussi du lobbying. Notamment le clan de dévots et la congrégation du saint sacrement qui surveillaient, influençaient, espionnaient et ce, souvent derrière une façade : celle des actions charitables. Des prêtres préféraient être nommés directeur spirituel de certaines grandes familles plutôt que d'aller à la campagne. C'est aussi pour l'Église de préserver son influence. L'archevêque de Paris penchait plutôt de leur côté. Ces clans reprochaient au courant libéral, courant surtout vivace en ville, un certain relâchement dans les mours et dans les rapports entre hommes et femmes. Les péchés de la chair étaient dénoncés mais comme personne ne pouvait y échapper, il régnait un certain laxisme. Ces moralistes cherchaient à serrer les boulons.

L'Église catholique et les arts

L'Église catholique avait une place importante aux yeux des artistes. Bien sûr, elle commandait des ouvres d'art comme le pratiquaient les rois, les princes de ce temps. Celui qui commande une œuvre a un lien de domination sur les artistes. et de leur côté, les artistes ont un lien de dépendance vis à vis de 'l'institution'
Mais l'Église catholique avait une place originale. A propos de Molière, il est important de la rappeler.
Certaines religions révélées comme l'Islam ou la religion juive interdisent toute représentation pour éviter de limiter le regard sur Dieu, pour éviter de faire croire qu'on peut mettre la main sur Dieu, en faire le tour. En un mot, pour éviter l'idolâtrie. Cette non-représentation permet d'éviter toute tentation de dérision.
Par contre, la foi catholique donne une grande place à la représentation de Jésus et des saints. La foi professe que l'homme est fait à l'image de Dieu mais aussi que Dieu s'est incarné, a pris forme humaine. C'est l'originalité de la démarche religieuse chrétienne. Aussi cette représentation donnait beaucoup de place aux artistes.

La grande place de l'art dans la vie de l'Église catholique a comme conséquence que cette pastorale coûte cher. Collecter de l'argent a beaucoup d'importance. Nous connaissons la réaction de Luther devant l'attitude de l'Église catholique qui préfère chercher de l'argent plutôt que servir la justice. Au temps de Molière, l'Église cherche à retrouver toute son influence pour que la société ne tombe pas dans le libertinage, dans un manque de respect pour la vérité. La contre-réforme poussait aussi l'Église a être très exigeante sur le contenu de la foi, à être très attentive dès que des personnes comme les artistes exprimaient par leur art la vérité révélée dont l'Église avait pour mission de préserver l'intégrité.

Pour les artistes, travailler pour l'Église qui avait une responsabilité dans la vie de la société supposait avoir certaines exigences personnelles. L'artiste devait non seulement contenter celui qui passait commande, mais pour faire ouvre géniale d'Église, il fallait aussi se pénétrer dans cette vérité proclamée.

L'Église et les comédiens

Les villes accordaient le droit de jouer si la troupe présentait son programme et promettait d'éviter tout scandale. La misère amène certaines villes de demander à la troupe de verser une quote-part qui sera distribuée aux pauvres... Avoir la protection d'un puissant était toujours utile.

Pour le monde des comédiens, la situation vis-à-vis n'est pas simple. Elle est plurielle, comme on dirait aujourd'hui. Le pape Pie V en 1604 a dressé une liste de personnes à qui il faut refuser la communion : les hommes de théâtre n'y figurent pas. A Bourges, les jésuites menacent d'excommunier ceux qui iront au théâtre. mais d'autres accordent, laissent faire en demandant qu'une part des bénéfices aille aux pauvres. L'Église se méfie des comédiens. Aussi, quand il faudra aller chercher un prêtre pour confesser et donner l'extrême-onction à Molière mourant, le vicaire de Saint Eustache s'est senti incompétent et a préféré qu'on aille chercher le prêtre qui était en lien avec les comédiens. Cette attitude a été interprétée comme un refus de l'Église de s'approcher de Molière mourant.

Des courants contradictoires traversaient la vie de la société et l'Église. Dans ce contexte, Molière va se révéler comme quelqu'un qui met le doigt sur les failles de cette société.






mercredi 26 mars 2014

La société française à l'époque de Molière

Les bourgeois

La classe des bourgeois est la classe sociale la plus représentée et analysée par Molière. Et c’est dans la cellule familiale bourgeoise que Molière prend les événements qui l’intéressent : les questions de mariage, de l'autorité du père, des relations entre époux, du désir d’indépendance des enfants.
Pris par son activité d’artiste, marié mais n’ayant eu qu’un seul enfant qui ne soit pas mort peu de temps après la naissance, Molière ne semble pas avoir eu une vie bourgeoise, mais c’est de ce milieu-là qu’il vient : un milieu où l’on a des biens, où le souci de l’argent a tendance à prendre le pas sur l’amour.

Molière, l'École des femmes, acte V, scène IIIMolière, l'École des femmes, acte V, scène III
Molière a peint toute une galerie de bourgeois différents : Tartuffe, devenu naïf sous l’emprise d’une fascination, Alceste, (le Misanthrope) écartelé entre l’amour et la solitude, Harpagon (l'Avare), dévoré par sa passion de l’argent, Chrysale (les Femmes savantes), défenseur du rôle domestique de la femme, Monsieur Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), type du nouveau riche qui voudrait accéder à la classe sociale supérieure. Arnolphe (l'École des femmes ) présente l’originalité d’être situé hors contexte : c’est un solitaire qui veut façonner une jeune fille selon ses désirs.
Les personnages d’épouses ont souvent moins d’épaisseur. Si Philaminte (les Femmes savantes) représente singulièrement une précieuse très active et en conflit avec son mari ; si Béline (le Malade imaginaire) est une intrigante, les autres épouses, Elmire (Tartuffe), Madame Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), sont des femmes raisonnables qui défendent la solidité et les valeurs de la famille contre les extravagances de leur conjoint.
Quant aux jeunes gens, ils attirent la sympathie mais ils manquent de personnalité. Ils sont presque interchangeables d’une pièce à l’autre.


Les nobles

Dom Juan donne une image flatteuse d’un aristocrate, mais la pièce ne parle pas exactement de la réalité sociale. C’est une variation sur un sujet déjà traité par un auteur espagnol. Le personnage est plus mythique qu’inscrit dans la réalité du xviie siècle.
Vis-à-vis des nobles de son temps, Molière est le plus fréquemment sévère et même cruel. Il a personnellement beaucoup souffert de leur arrogance et de leur suffisance. Il les ridiculise dans la Critique de l'École des femmes et dans l'Impromptu de Versailles. Il se venge une fois encore de tous les courtisans appartenant à l’aristocratie à travers les deux personnages de « petits marquis » dans le Misanthrope et des odieux de Sotenville dans George Dandin. Enfin, Dorante, le noble dans le Bourgeois gentilhomme, est un malhonnête homme, empruntant de l’argent qu’il ne rembourse pas.





Les serviteurs

Les domestiques sont, chez Molière, des personnages aussi importants pour l’action que pour les effets comiques. Ils viennent autant de l’image qu’ont donnée d’eux les farces latine et italienne que de la réalité de tous les jours.

Molière, les Femmes savantesMolière, les Femmes savantes
Les serviteurs masculins, héritiers d’Arlequin, sont, comme Scapin, malhonnêtes (ou, tout au moins, rusés), fréquemment profiteurs et alcooliques, mais fidèles à leur maître et d’une imagination si efficace qu’elle débrouille les situations les plus compliquées. Molière a progressivement humanisé ce type de personnage, en passant de Mascarille, le rusé, à Sganarelle qui représente par moments les souffrances des gens du peuple.

Pour les servantes, Molière a fait encore davantage éclater les cadres de la tradition. Les servantes sont la voix de la raison et la voix de Molière lui-même. Leur bonhomie, leur culot, leur langue bien pendue, la saveur de leur langage, leur absence de crainte face aux maîtres, leur défense des enfants arrivés à l’âge du mariage, tout fait d’elles des héroïnes dont les défauts – elles ne savent pas rester à leur place – se transforment immédiatement en qualités. Dorine (Tartuffe), Martine (les Femmes savantes) et Toinette (le Malade imaginaire) incarnent un bon sens populaire sans lequel Molière manquerait d’un instrument de mesure pour juger l’évolution de la société et les travers de ses héros.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Jean-Baptiste_Poquelin_dit_Molière/133609


mardi 25 mars 2014

La langue de Molière


Langue de Shakespeare, langue de Dante, langue de Cervantès, langue de Goethe ou langue de Pouchkine, ainsi désigne-t-on les grandes langues européennes comme si chaque nation éprouvait le besoin de se choisir un écrivain porte-drapeau. A l'origine, une idéologie résumée par Michelet: "La langue est la représentation fidèle du génie des peuples, l'expression de leur caractère, la révélation de leur existence intime, leur verbe pour ainsi dire." Ou, plus lapidaire encore, Fernand Braudel: "La France, c'est la langue française." Et, la vox populi et doctorum d'ajouter: "La langue française, c'est Molière!" Le génie et le caractère français trouveraient leur plus haute expression chez l'auteur de Tartuffe, plutôt que chez Corneille, trop héroïque, ou chez Racine, trop pur, trop poétique.


Pourquoi Molière? L'expression se répand au XVIIIe siècle. Il est vrai que le théâtre de Molière a été le plus joué dans les cours d'Europe, à l'époque où le français était devenu la langue des élites européennes. En même temps, pour La Bruyère, Fénelon, Vauvenargues et même... Boileau, Molière est un auteur qui bâcle. Mais peut-être est-ce parce que le directeur de troupe, le comédien et l'homme de cour que fut Molière n'avait pas le temps de lécher ses textes qu'il a pu s'affranchir de ce qui pose et pèse chez les puristes. La langue de Molière n'est pas celle d'un écrivain mais avant tout celle qui convient pour des personnages de comédie auxquels, le premier, il donna licence de s'exprimer en prose, fût-ce en prose cadencée. "Molière est-il fou?" aurait dit un duc dont Grimarest, un des premiers biographes de Molière, se garde de révéler l'identité, "nous prend-il pour des benêts de nous faire essuyer cinq actes en prose? A-t-on jamais vu plus d'extravagance?" L'extravagant est devenu classique, sa langue une norme, parce qu'elle brise la monotonie induite de l'usage exclusif de l'alexandrin.



En général, ses personnages parlent la langue de leur condition, celle de ces paysans de comédie articulant un patois de fantaisie, plus rarement un parler régional authentique comme dans Monsieur de Pourceaugnac où une Picarde et une Languedocienne se disputent le héros. Ils parlent le jargon de leur fonction - médecins, apothicaires, philosophes - mêlant français ampoulé et latin de cuisine, avatars de l'éternelle figure du pédant. Celle-là même qui, de nos jours, a élu domicile dans les médias, substituant au jargon des médecins ou des avocats d'antan ce sabir technocratique, lesté d'emprunts à l'anglais, qui fait le charme ridicule de nos businessmen. Les charges de Molière se dirigeaient contre l'affectation des précieux ou des dévots. Son génie a été de faire rire les "honnêtes gens" en stigmatisant les abus et préciosités de leur langage. La langue de Molière est efficace et vivante parce que véridique et imagée. Un contemporain l'accuse même de dissimuler des tablettes dans son manteau pour relever ce qu'il entendait. Toutes les couches d'une société ou presque se retrouvent croquées dans leur manière de dire: des petits marquis de cour singeant les grands, des bourgeois qui, à l'instar du Cléante de L'avare, "donnent furieusement dans le marquis", jusqu'aux pecques de province. On comprend pourquoi on a pu dire que Molière n'avait pas de style propre et en même temps qu'il incarnait la langue française. Il vise juste, tel est le secret de son génie ad majorem linguae gloriam.





lundi 24 mars 2014

La mort de Molière



Pris de convulsions au cours de la quatrième représentation du Malade imaginaire, Molière expire quelques heures plus tard d’une congestion pulmonaire, le 17 février 1673, chez lui et non pas en jouant cette pièce - comme le veut la tradition -, sans avoir abjuré la profession de comédien, considérée comme immorale par l’Église.
Dans le registre qu’il tient scrupuleusement, La Grange écrit ce jour :
« Ce mesme jour après la Comédie sur les 10 heures du soir Monsieur de Molière mourust dans sa maison Rue de Richelieu, ayant joué le rosle dudit malade imaginaire fort incommodé d’un rhume de fluction sur la poitrine qui luy causoit une grande toux de sorte que dans les grans efforts qu’il fist pour cracher il se rompit une veyne dans le corps et ne vescut pas demye heure ou trois quarts d’heure depuis ladite veyne rompue. Son corps est enterré à St Joseph, ayde de la parroisse St Eustache. Il y a une tombe eslevée d’un pied hors de terre ».
Trente-deux ans plus tard, Grimarest, le premier biographe de Molière, détaille les circonstances de sa mort, sans y avoir toutefois assisté (il avait 15 ans lors du décès de Molière) :
« Les Comédiens tinrent les lustres allumez[5], et la toile levée, précisément à quatre heures. Molière représenta avec beaucoup de difficulté ; et la moitié des spectateurs s’aperçurent qu’en prononçant Juro, dans la cérémonie du Malade Imaginaire, il lui prit une convulsion. Aïant remarqué lui-même que l’on s’en étoit aperçu, il se fit un effort, et cacha par un ris forcé ce qui venoit de lui arriver. Quand la pièce fut finie il prit sa robe de chambre, et fut dans la loge de Baron, et lui demanda ce que l’on disoit de sa pièce. Mr Baron lui répondit que ses ouvrages avoient toujours une heureuse réussite à les examiner de près, et que plus on les représentoit, plus on les goûtoit. “Mais”, ajouta-t-il, “vous me paroissez plus mal que tantôt”. “Cela est vrai”, lui répondit Molière, “j’ai un froid qui me tue”. Baron après lui avoir touché les mains, qu’il trouva glacées, les lui mit dans son manchon, pour les réchauffer ; il envoya chercher ses porteurs pour le porter promptement chez lui ; et il ne quitta point sa chaise, de peur qu’il ne lui arrivât quelque accident du Palais Royal dans la rue de Richelieu, où il logeoit [...]. Un instant après il lui prit une toux extrémement forte, et après avoir craché il demanda de la lumière. Baron aïant vu le sang qu’il venoit de rendre, s’écria avec frayeur. “Ne vous épouvantez point”, lui dit Molière, “vous m’en avez vu rendre bien davantage. Cependant”, ajouta-t-il, “allez dire à ma femme qu’elle monte”. Il resta assisté de deux sœurs religieuses, de celles qui viennent ordinairement à Paris quêter pendant le Carême, et auxquelles il donnoit l’hospitalité. Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvoit attendre de leur charité, et il fit paroître tous les sentimens d’un bon Chrétien, et toute la résignation qu’il devoit à la volonté du Seigneur. Enfin il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortoit par sa bouche en abondance l’étouffa. Ainsi quand sa femme et Baron remontèrent, ils le trouvèrent mort. J’ai cru que je devois entrer dans le détail de la mort de Molière, pour désabuser le public de plusieurs histoires que l’on a faites à cette occasion.
« Aussi-tôt que Molière fut mort, Baron fut à Saint Germain en informer le Roi ; Sa Majesté en fut touchée, et daigna le témoigner [...]. Tout le monde sait les difficultez que l’on eut à faire enterrer Molière, comme un Chrétien Catholique ; et comment on obtint en considération de son mérite et de la droiture de ses sentimens, dont on fit des informations, qu’il fût inhumé à Saint Joseph. Le jour qu’on le porta en terre il s’amassa une foule incroyable de peuple devant sa porte [...]. Le convoi se fit tranquillement à la clarté de près de cent flambeaux, le mardi vingt un de février ».

En 1817, sa dépouille a été transférée au cimetière du Père-Lachaise en même temps que celle de La Fontaine.

La Grange et Armande, chassés du Palais-Royal par Lully qui y installe l’Académie royale de musique, transportent leur troupe rue Guénégaud où elle fusionne avec celle du Marais. En 1680, sur décret du roi, elle doit fusionner avec la troupe de l’Hôtel de Bourgogne : c’est la naissance de la future Comédie-Française.

File:Paris - fauteuil de Molière à la Comédie française - 2.jpg
Fauteuil utilisé par Molière lors de sa dernière représentation et dans lequel il serait mort exposé à la salle Richelieu de laComédie-Française














dimanche 23 mars 2014

Le Malade Imaginaire

I. Les caractéristiques du Malade imaginaire


1. Une comédie
 Le Malade imaginaire est une comédie. Au xviie siècle, on donne ce nom à toute pièce de théâtre qui comporte une action et se termine bien. Mais la comédie est aussi une pièce qui fait rire par des exagérations, des situations comiques, des moqueries…


La particularité de cette pièce est d'être une comédie ballet : Molière demanda au musicien Marc-Antoine Charpentier d'en composer la musique. Les deuxième et troisième actes sont suivis de pauses musicales où l'on danse des « divertissements ».
2. Le cadre spatio-temporel
• La pièce se déroule au temps de Molière, au xviie siècle, à l'époque du règne de Louis xiv On sait que le roi avait soixante-dix-neuf médecins à son service. En assistant à la représentation du Malade imaginaire, Louis xiv aurait dit : « Les médecins font assez souvent pleurer pour qu'ils fassent quelque fois rire. »
• L'action se déroule sur quelques journées, à un moment clé de la vie de la maison puisqu'il s'agit pour Argan de marier sa fille aînée. Autour de cet événement vont s'en greffer d'autres, notamment la découverte de la noirceur de Béline, seconde femme d'Argan et la guérison du malade imaginaire.
3. Le résumé de la pièce
La pièce de Molière comporte trois actes.
• Acte 1 : Argan se croit malade. Riche bourgeois, il est entouré de médecins et s'invente toutes sortes de maladies. D'un premier mariage, il a eu deux filles, la petite Louison et Angélique, qu'il souhaite marier à Thomas Diafoirus, médecin et fils de médecin. Mais Angélique aime Cléante et l'avoue à la servante Toinette. Béline, la seconde femme d'Argan, fait venir un notaire pour rédiger le testament de son mari. Pour hériter de la fortune d'Argan, elle aimerait voir les filles entrer au couvent. Toinette surprend la manœuvre et décide d'aider Angélique.
• Acte 2 : Cléante s'introduit dans la maison d'Argan comme remplaçant du professeur de musique. En présence des Diafoirus père et fils, et puisqu'une leçon de musique était prévue, Argan demande à Cléante et à Angélique de chanter. Ils se déclarent leur amour en le déguisant sous un air d'opéra. Mais Argan découvre la ruse, chasse le jeune homme et menace sa fille du couvent si elle refuse d'épouser Diafoirus. Béline dénonce la présence d'un jeune homme chez Angélique : en interrogeant la petite Louison, Argan devine qu'il s'agit de Cléante et il se lamente sur sa situation. Son frère Béralde arrive et lui propose un divertissement sous forme de danse.
• Acte 3  : Béralde tente de parler à Argan de ses maladies imaginaires et lui conseille de se méfier des médecins. Il veut défendre les intérêts de sa nièce. Toinette se déguise en médecin pour essayer de dégoûter son maître de la médecine. Argan se fait passer pour mort et découvre la cupidité de sa femme (qu'il chasse) et la bonté de sa fille et de Cléante dont il accepte finalement le mariage. Enfin, sur le conseil de Béralde et de Toinette, il reçoit l'habit de docteur : c'est la cérémonie finale.
II. Les personnages
1. Argan
• Argan est le malade imaginaire, ce qu'en langage savant on appelle un hypocondre. En dehors de ce défaut, il est plutôt bon homme et bon père. Il est cependant sous la coupe d'une seconde femme hypocrite qu'il ne veut pas contrarier, ainsi que des médecins qui exploitent sa croyance en une maladie imaginaire. Comme il est aveuglé par cette obsession de la maladie, il ne voit pas qu'on en veut surtout à son argent. Son défaut le rend faible, négligent avec ses filles et insensé. Mais comme il est brave, au fond, il retrouve la raison lorsqu'on lui ouvre les yeux sur la vraie nature de son entourage.
2. Monsieur Diafoirus
• Monsieur Diafoirus forme un couple avec son fils Thomas, tant ils se ressemblent et paraissent inséparables. Ils sont tous deux présentés comme des imbéciles, fiers de leur art de médecin et de leur savoir universitaire. Monsieur Diafoirus, dans sa longue tirade de la scène 5 de l'acte ii, cherche à mettre en valeur toutes les qualités de son fils, comme s'il était en train de vanter une marchandise pour la vendre : « […] et je puis dire sans vanité que depuis deux ans qu'il est sur les bancs, il n'y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes les disputes de notre école. » C'est la figure même du médecin savant mais insupportable et pédant.
3. Toinette
• Elle est le type même de la servante fidèle aux bons, les aidant dans leurs projets contre les méchants. Dès le premier acte, elle est la servante d'Angélique et promet de l'aider contre les vœux de son père et les manœuvres de Béline. Son bon sens lui permet de faire retrouver sa raison à son maître et de protéger la maison.
Elle est presque un personnage de farce, lorsqu'elle est poursuivie par son maître (la bataille d'oreiller, acte I, scène 6), ou déguisée en médecin (acte iii, scène 10). Elle introduit une humeur légère dans l'ensemble de la pièce.
4. Louison
• Louison, fille d'Argan et petite sœur d'Angélique, est l'un des rares personnages d'enfant dans les comédies de Molière. Elle apparaît dans une longue scène (acte ii, scène 8) où elle se montre maligne et rusée avec son père, essayant de détourner sa colère (« Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d'âne ou bien la fable du Corbeau et du Renard, qu'on m'a appris depuis peu. »). Elle fait même semblant d'être morte pour échapper à la punition. Elle reste cependant une enfant, qui sait mal garder un secret, et finit par tout révéler à son père.
III. Les thèmes principaux
1. L'hypocondrie
• C'est le nom savant que l'on donne à la maladie imaginaire. L'hypocondrie correspond à un état d'anxiété particulier d'une personne toujours préoccupée par sa santé et craignant perpétuellement d'être malade. Argan représente le type même de l'hypocondriaque qui se sent menacé par la maladie ou même par la mort : « Je ne m'étonne pas si je ne me porte pas si bien ce mois-ci que l'autre » (acte I, scène 1) ou « Ah ! mon Dieu, ils me laisseront ici mourir » (même scène). Argan est un angoissé qui projette toutes ses angoisses dans la maladie.
2. La médecine
• Au temps de Molière, la médecine n'est pas très évoluée. On soigne toutes les maladies de la même façon, par des saignées, des purges et des clystères, procédés tous très présents dans le Malade imaginaire. Les médecins ont mauvaise réputation et, en se moquant d'eux, Molière sait qu'il va faire rire son public facilement. Il reprend le même thème dans le Médecin malgré lui et y fait allusion dansDom Juan et dans Monsieur de Pourceaugnac.
• Les personnages de médecins (Monsieur Purgon et les deux Diafoirus), comme celui de l'apothicaire, sont ridiculisés par les faux médecins (Toinette déguisée ou même Argan à qui, à la fin de la pièce, on remet l'habit de docteur). Dans l'ensemble, la médecine semble pouvoir certes soulager mais non guérir.
3. L'amour filial
• La relation parents/enfants joue un rôle important dans la pièce, comme souvent dans les comédies de Molière. Plus que l'amour du père pour ses filles (un peu empêché par la maladie d'Argan et sa soumission à sa seconde femme), c'est l'amour des enfants pour leur père qui apparaît en pleine lumière. Bien que son père n'accepte pas son mariage avec Cléante, Angélique l'aime profondément. D'où son chagrin à l'annonce de sa mort : « Hélas ! je pleure tout ce que dans ma vie je pouvais perdre de plus cher et de plus précieux. Je pleure la mort de mon père. » Elle ne veut plus entendre parler de mariage et souhaite mourir tant son chagrin est grand.
IV. Les techniques
1. Le comique
• Dans Le Malade imaginaire, Molière fait appel à toutes sortes de comique :
  • le comique de caractère prédomine. Il permet de dénoncer les ridicules d'un personnage type :, ici Argan, tenaillé par la peur de la maladie, jouet des médecins, aveugle sur ceux qui l'entourent ;
  • le comique de situation multiplie les scènes absurdes ou ridicules : les quiproquos (Argan prend Cléante pour le maître de musique, alors que les spectateurs savent qu'il est amant d'Angélique) ou les supercheries (Louison fait mine d'être morte, Argan de même) ;
  • le comique de mots, enfin, qui repose sur le texte : les répétitions (« ignorant, ignorant », répète Toinette à l'acte iii, scène 10), le patois ou le jargon (le latin des Diafoirus, par exemple), etc.
2. La farce
• La farce est présente notamment dans la gestuelle : Argan poursuit Toinette dans la scène 5 de l'acte I, son bâton à la main, dans une course qui s'apparente à une bataille d'oreillers. La farce apparaît aussi dans le déguisement : lorsque Toinette se déguise en médecin, elle fait de la « cérémonie » du diagnostic une véritable mascarade.
3. La satire
• La satire est le discours qui s'attaque à quelque chose ou à quelqu'un en s'en moquant. Ce sont les médecins qui sont plus particulièrement visés par la satire dans le Malade imaginaire : ce sont des personnages intéressés (Monsieur Purgon) ou pédants et prétentieux (Monsieur Diafoirus et son fils). Molière se moque aussi de la médecine, art de l'incompétence qui se dissimule derrière de grands mots savants (« bradysepsie », « dyspepsie », etc.) : Toinette et même Argan se révèlent être de meilleurs médecins que les professionnels !